N° 2 / 2024

Magazine
Point de vue

La vice-présidente Marie-Claude Ischer sur les mécanismes de la toute-puissance humaine dans l'Église
La vice-présidente Marie-Claude Ischer sur les mécanismes de la toute-puissance humaine dans l'Église

Une illusion prise pour le réel

La toute-puissance humaine dans l’Institution « Eglise » est un sujet difficile à conscientiser. Cette problématique s’exprime sans retenue comme si cette manière d’être s’était normalisée.
Mais la TPH n’est pas visible pour autant car les personnes qui adoptent ce mode de fonctionnement peuvent se conduire de manière fort civile dans un groupe et passer inaperçues durant le temps nécessaire pour « tisser leur toile » s’installer et exercer ensuite une emprise suffisamment forte pour y agir, à leur guise, en toute légitimité.

Pour mieux comprendre ce mécanisme, voici quelques exemples de comportements abusifs :

C’est avoir la certitude de tout savoir, de posséder la vérité et d’avoir toujours raison ;
C’est affirmer ne jamais se tromper, imposer son point de vue, mépriser la diversité.
C’est être hermétique au doute, à la discussion, à la remise en question.
Peu à peu, la personne en TP se donne tous les droits, se croit être en capacité hors du commun et impose sa propre loi.


La finalité de l’emprise est de marquer l’autre de son empreinte, et de l’amener au statut d’objet, en s’appropriant son désir et en l’anéantissant.
A partir de ce moment, tous les types d’abus (sexuel, de pouvoir, spirituel) peuvent s’exercer, et l’auteur à la faveur du « secret » et de l’emprise qu’il a patiemment tissée anéantit la capacité de sa victime à se révolter et à dénoncer.


La tentation de faire appel à la toute-puissance de Dieu risque de conduire certaines communautés à considérer la personne qui incarne la toute-puissance humaine (figure du sauveur) conne une réponse de Dieu é leurs problèmes.


Dans les Eglises, plus que dans des lieux professionnels comme l'entreprise, la toute-puissance est plus difficile à repérer quand la communauté se veut accueillante et tolérante à l'égard de tous et toutes. Cette problématique est complexe car elle met en jeux des personnes, des relations entre des personnes et des modes de fonctionnement collectifs. Ainsi les causes sont à la fois individuelles, relationnelles et systémiques. Et les réponses doivent prendre en compte ces trois dimensions.

 

Il n'y a pas une réponse mais des réponses multiformes à mettre en place et en même temps; depuis les réponses psychologiques et juridiques jusqu'aux réponses liturgiques qui soutiennent et réparent.

Sich engagieren für eine geschlechtergerechte Kirche

«Ce qu'il faut retenir pour la communauté face à cela : Il s’agit de développer une vigilance collective pour discerner dans la communauté les personnes « trop parfaites » qui incarnent « l'humain providentiel ». Ne jamais laisser un membre, fût-il le leader, prendre le pouvoir et faire régner sa seule pensée. Apprendre à repérer les réactions fortes d'incompréhension ou d'admiration à l'égard de certaines personnes.  Le temps de formation et de conscientisation est nécessairement douloureux parce qu’il déstabilise en profondeur.»

vice-présidente Marie-Claude Ischer

Comment accepter de prendre en compte le point de vue d’autrui quand il est différent du sien, dans une société ou l’individu croit de plus en plus souvent posséder la vérité ?

Il s’agit également de mettre en place cinq axes et agir :
 

1.     Protéger ceux et celles qui doivent être protégés.
2.    Constituer un groupe interne à la communauté, et si possible accompagné par un tiers extérieur. 
3.    Contenir les auteurs de TP. 
4.    Prévenir. 
5.    Prier et célébrer.


Il s'agit d'une version abrégée d'un discours prononcé en mai 2024 à l'occasion de la conférence sur les femmes et le genre EERS L'exposé complet peut être consulté ici.

Marie-Claude Ischer


Marie-Claude Ischer a été présidente du Conseil de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud jusqu'en août dernier. Depuis mai 2024, elle est vice-présidente de Femmes protestantes. Ischer est médiatrice et a fait partie pendant plusieurs années de l'équipe de direction d'une maison d'accueil pour femmes dans le canton de Vaud. De 2020 à 2021, elle a présidé la commission d'enquête sur l'affaire Locher.

Page LinkedIn Marie-Claude Ischer